Mon expérience dans le système québécois suite au viol

En 2018, j’ai été violée. S’en est suivi 3 années de psychothérapie, démarches judiciaires et paperasse. Le plus gros est derrière moi, mais cette expérience m’accompagne toujours: parfois en me rendant plus forte, parfois en m’attristant ou en me faisant douter. J’ai décidé de partager ici mon expérience pour la simple et bonne raison qu’il y a 3 ans, j’ai googlé  »Quoi faire quand on se fait violer au Québec » sans trouver de réponse claire et précise. Alors remédions à la situation: je vais relater ici toutes les étapes que j’ai traversées et dans l’ordre. Dans cette première version, je souhaite me concentrer sur les ressources disponibles et leur fonctionnement.
Je reviendrai peut-être, dans un autre billet, sur mes doutes, mes états d’âme et les obstacles rencontrés à chaque étape.

Le but ici est d’informer et de briser des tabous. Ce n’est pas parce que j’ai porté plainte contre mon agresseur que je crois que toutes les victimes devraient le faire. Pas de pression, pas d’obligations, à chacun sa vie et son processus.

Ce blog contient les étapes suivantes:

  1. L’hôpital et la trousse médico-légale
  2. L’IVAC
  3. Le CAVAC
  4. Porter plainte à la police
  5. Viol-secours
  6. La psychothérapie
  7. Le système de justice et le procès

L’hôpital et la trousse médico-légale

En résumé : Certains hôpitaux ont le personnel formé pour effectuer des trousses médico-légales. La trousse consiste à prendre des échantillons d’ADN de l’agresseur sur ton corps ou tes vêtements (peau, cheveux, poils, salive, sperme, etc.), et à noter toutes les lésions ou blessures que tu aurais pu subir. À noter que tu pourrais avoir subi un viol sans avoir de blessures ou que l’agresseur ait éjaculé, ça ne te disqualifie pas. La trousse peut être utile un jour pour identifier l’agresseur, ou même comme preuve en cour si jamais un processus judiciaire est enclenché. À l’hôpital tu es accompagnée par la présence réconfortante d’un travailleur social du CAVAC, on t’informe de tes droits, des ressources existantes, etc.

Comment ça s’est passé pour moi: En quittant mon agresseur, je me suis rendue à l’hôpital Saint-Sacrement pour qu’on me retire un tampon logé au fond de mon vagin qui me faisait mal. À ce moment, je ne réalisais pas que j’avais été victime d’un viol, je croyais simplement que j’avais eu une vraiment mauvaise relation sexuelle. Pourtant, au tri des urgences, une infirmière s’est doutée que quelque chose ne tournait pas rond dans mon histoire. Elle m’a posé des questions, suggérant subtilement que ce que je décrivais ressemblait plus à un viol qu’une mauvaise relation sexuelle. Il était important pour eux à cette étape de s’assurer s’il était question ici d’un viol ou non car dans ce cas une procédure est enclenchée: on procède à la trousse médico-légale, et il faut donc me transférer à l’hôpital Enfant-Jésus. L’infirmière, très douce et gentille, a fait venir une médecin pour qu’on discute. La médecin a fini par trouver les mots justes pour que j’admette que j’avais été victime de viol. J’ai accepté de procéder à la trousse médico-légale. L’hôpital m’a fait venir un taxi (sans frais) qui m’a amené à l’hôpital Enfant-Jésus.


Arrivée là-bas, une jeune employée du CAVAC m’attendait. Elle m’a accompagnée, a répondu à mes questions, m’a donné de l’information et surtout, elle a respecté le fait que je préférais rester dans mon coin, sans parler. J’ai pu rester dans une pièce isolée prévue pour les victimes. Je ne suis donc pas restée des heures dans une salle d’attente.


Une médecin avec une formation spéciale pour les victimes de viol a pris des échantillons d’ADN sur mon corps. Mes vêtements ont aussi été gardés puisqu’ils peuvent contenir des preuves ADN. On m’a évidemment remis de nouveaux vêtements sur-le-champ. J’ai aussi reçu une compensation financière pour ceux qui avaient été pris comme preuve (voir la section sur l’IVAC). Elle m’a aussi ausculté pour noter toutes mes blessures, graffignes, bleus et autres. Je dois avouer que se faire toucher et mettre à nu quelques heures après avoir été violé (#traité comme un objet) c’est loin d’être agréable. Mais dans mon cas, la trousse médico-légale a été une preuve clef lors du procès. Je ne regrette donc pas l’avoir fait.

C’est à l’hôpital que j’ai décidé de porter plainte. La police est donc venue me rencontrer là-bas.

J’ai été considérée à risque de contracter le SIDA, alors on m’a prescrit des médicaments préventifs. Des tests de dépistage du VIH, du SIDA et des ITSS ont été prévus pour les mois suivants.

Finalement, j’ai rempli un formulaire de demande de compensation financière de l’IVAC, pour me faire rembourser mes vêtements et frais de médicaments.

Tout ça c’est TRÈS intense, surtout quelques heures après avoir vécu un viol. Mais dans mon histoire, ça a tellement fait la différence. Ça a été un 36 heures sans dormir, comme anesthésiée, un peu en dehors du temps. Une journée de flottement, en pilote automatique. Je tiens quand même à dire MERCI, MERCI, MERCI aux gens de l’hôpital Saint-Sacrement et l’Enfant-Jésus.

IVAC – Indemnisation des victimes d’acte criminel

Résumé: L’IVAC offre des indemnisations et compensations financières pour les victimes d’actes criminiels. Dans mon cas, j’ai reçu des compensations pour mes vêtements pris comme preuve à l’hôpital, ma psychothérapie, une seule séance d’autodéfense pour femmes (je n’ai pas aimé cette expérience, j’ai vite arrêté) et un arrêt de travail.

Comment ça s’est passé pour moi: L’IVAC, c’est beaucoup de paperasse, de preuves et d’appels téléphoniques. Je crois que depuis 2018, ils ont adapté leur service pour les victimes de viol et violence conjugale. Je crois donc que ça doit être plus facile et agréable (autant agréable que la bureaucratie puisse l’être). Mais pour ma part, ça a parfois été compliqué.

On m’a parlé de l’IVAC pour la première fois à l’hôpital pour me faire rembourser mes vêtements et mes médicaments. Ça s’est bien passé, ma demande a été tout de suite acceptée.

J’ai rempli une autre demande avec des employés du CAVAC pour me faire payer un traitement de psychothérapie et une séance d’autodéfense. Ça s’est bien passé aussi.

Finalement, j’ai fait une dernière demande pour un arrêt de travail. La demande était rétroactive : j’avais arrêté de travailler peu après le viol, mais je n’ai su qu’un an plus tard qu’il était possible de faire une demande de compensation. C’est à ce moment-là que je l’ai déposée. Là, ça, ça a été compliqué. J’ai dû me battre. Mais j’ai obtenu gain de cause.

Pour en savoir plus sur l’IVAC : https://www.ivac.qc.ca/Pages/default.aspx

CAVAC – Centre d’aide aux victimes d’acte criminel

Résumé : Le CAVAC c’est une ressource très précieuse. C’est eux qui m’ont le plus aidé pour m’accompagner et me donner l’information nécessaire, me partager les ressources disponibles. Ils m’ont aidé à remplir et envoyer des formulaires, m’ont dirigé vers Viol-Secours, m’ont proposé des psychologues, m’ont accompagné dans le processus judiciaire. Ils ont aussi des employés au palais de justice ou d’autres qui peuvent se déplacer si besoin est.

Comment ça s’est passé pour moi: Une employée du CAVAC est venue me rejoindre à l’hôpital pour m’aider. Elle m’a donné ses coordonnées pour que je puisse la contacter si j’avais des questions. On a aussi pris rendez-vous quelques jours plus tard pour qu’elle me parle à tête reposée des ressources qui s’offrent à moi.

Dans les années qui ont suivi j’ai souvent appelé le CAVAC quand j’avais des questions ou des doutes. Chaque fois que j’ai dû aller au palais de justice, un employé du CAVAC me rencontrait pour que je ne sois pas toute seule et possiblement croiser mon agresseur. Ils pouvaient également répondre à mes questions quant au processus judiciaire.

Pour plus d’information sur le CAVAC: https://cavac.qc.ca/

Porter plainte à la police:

Résumé: Il est possible de porter plainte au criminel sur-le-champ, des années plus tard, ou jamais. Mais le dépôt d’une plainte ne mène pas nécessairement à un procès non plus… En portant plainte, la police va créer un dossier en récoltant les informations préliminaires. La prochaine étape est de faire une déclaration, c’est-à-dire de donner sa version des faits. Si la plainte est retenue, une enquête aura lieu. Si l’enquête porte ses fruits, un procureur de la couronne va porter des accusations contre l’agresseur présumé. Le procès débute alors.

Comment ça s’est passé pour moi: C’est à l’hôpital que j’ai décidé de porter plainte. Un policier est venu sur place pour ouvrir un dossier et me donner un numéro d’urgence en cas de besoin (j’en ai eu besoin, heureusement qu’ils m’ont rencontré immédiatement). Nous avons également pris rendez-vous pour que je puisse donner ma version des faits.

Quelques jours plus tard, je me suis rendue à la station de police pour faire ma déclaration, c’est-à-dire ma version des faits. Il y avait une enquêtrice sur place qui m’a posé beaucoup, beaucoup de questions. Une autre policière écrivait tout ce que je disais. J’ai partagé toutes les preuves que j’avais, par exemple : échange de messages texte, captures d’écran, etc. Et j’ai tenté du mieux que je pouvais de décrire l’agresseur. Le soir même, ils m’ont envoyé une copie de la déclaration que j’ai pu relire et corriger avant de l’approuver. La déclaration est importante car si un procès a lieu, ça sert de preuve. C’est en quelque sorte un témoignage.

Est-ce que la plainte peut mener à une arrestation ? Ça dépend des cas. Quand j’ai quitté la station de police, on m’avait dit que ce n’était pas certain que ma plainte soit retenue. Finalement, il s’est avéré qu’une autre plainte, très similaire à la mienne, avait été déposée. Le suspect avait fait plusieurs victimes. Quelques jours plus tard je recevais un appel de la police me disant qu’un suspect avait été arrêté: il était en prison. C’est alors qu’a démarré le processus judiciaire.

Viol-Secours:

Résumé: Viol-Secours ont une ligne téléphonique disponible 24h/24 et spécifique à chaque région. Appelez ici pour vous faire rediriger vers le centre d’appels de votre région :  1-888-933-9007. Ils ont aussi des bureaux cachés, vous pouvez donc vous y rendre sans risquer d’être vue en train d’entrer dans un bâtiment sur lequel il est écrit en gros VIOL SECOURS… Ils ont des intervenants qui peuvent vous rencontrer seul à seul. Ou encore en groupe. C’est tout autant pour les victimes que pour les proches de victimes. Tout ça, c’est gratuit !

Comment ça s’est passé pour moi: c’est le CAVAC qui m’a parlé de Viol-Secours. Je me suis rendue à leurs bureaux  »cachés » pour faire quelques séances avec une intervenante. Deux séances je crois. Ç’est les premières personnes à qui j’ai pu m’ouvrir par rapport à ce que j’avais vécu. Malheureusement, à cette époque je faisais preuve de déni, et je me disais que j’étais forte, indépendante et que je n’avais pas vraiment besoin d’aide. J’ai refoulé beaucoup de choses qui me sont ressorties en pleine face quelques mois plus tard. C’est là que je me suis tournée vers la psychothérapie.

Pour en savoir plus sur viol-secours: https://www.violsecours.qc.ca/je-suis-victime

La psychothérapie:

Il n’existe pas une thérapie et un patient identique. Dans mon cas, je suis tombée sur une perle rare, une psychologue qui m’a suivi plusieurs années et que je vois encore au besoin.

Comme je l’ai mentionné plus haut, au départ j’ai nié ce qui m’était arrivé. J’ai refoulé mes émotions. Je me suis volontairement aveuglée. Je me suis attribué la faute sur le viol que j’avais vécu. Je refusais d’admettre que j’étais un victime (terme que je détestais). Je refusais aussi d’admettre que j’avais vécu un traumatisme et que j’en souffrais toujours. Un proche à moi a fini par me dire que mon comportement était malsain et que j’avais besoin d’aide.

Avec ma psy, j’ai appris comment gérer le trauma. J’ai appris à reconnaître, vivre et gérer mes émotions. J’ai même pu pardonner à mon agresseur. Mais ça…aïe aïe aïe, quel sujet, j’en aurais long à dire.

Donc pour quelqu’un qui croyait  »ne pas avoir besoin d’aide psychologique ». Je sous-estimais clairement comment j’étais affectée par mon expérience de viol.

La thérapie a été prise en charge financièrement par l’IVAC. Viol-secours ou le CAVAC peuvent vous fournir une liste de quelques psychologues qui acceptent d’être payés par l’IVAC. Mais ultimement, c’est à vous de contacter les psychologues et leur demander s’ils acceptent. N’importe quel psychologue pourrait accepter.

Le système de justice et le procès:

Depuis mon expérience avec le système judiciaire, un tribunal spécialisé en violence conjugale et sexuelle a été créé. Espérons donc que les choses se sont améliorées. C’est un processus qui est long, difficile et qui te replonge souvent dans le trauma. MAIS, pour ma part, ça en a valu la peine. J’en suis ressortie grandie et surtout ça a participé à ma guérison. À me faire comprendre une bonne fois pour toutes que je n’étais pas responsable du malheur qui m’est arrivé.

Comment ça s’est passé pour moi: Quelques jours/semaines après avoir porté plainte à la police, je recevais un appel de l’enquêtrice m’informant que le suspect avait été arrêté et qu’on m’invitait à rencontrer une procureure de la couronne. Quelques jours plus tard encore, je recevais une lettre me confirmant le tout. Mon adresse postale est généralement celle de mes parents, mais à ce moment mes parents n’étaient pas au courant de ce qui m’était arrivé et je ne voulais pas qu’ils le sachent non plus. Heureusement, avec le CAVAC, on avait changé mon adresse postale pour que mes parents ne reçoivent pas des lettres adressées à mon nom en provenance du palais de justice. Douce attention.

L’enquêteur m’a aidé à organiser la rencontre avec la procureure. Elle m’a accompagné sur place. D’ailleurs, on a souvent été en communication pour les 3 années de procès qui ont suivi. J’ai vraiment bien été entourée. (Elle a d’ailleurs accepté de relire ce texte pour s’assurer que je ne dise pas de bêtise !). Et si j’ai été chanceuse avec l’enquêtrice, ça a aussi été le cas avec la procureure. Elle était jeune, dynamique et m’a incluse autant que possible dans le processus.

Explication : Porter plainte en matière sexuelle, ce n’est pas comme dans les films. Ce n’est pas : moi la victime représentée par mon avocat contre l’agresseur présumé et son avocat. Le procureure de la couronne c’est comme un avocat qui représente l’État. Le procureur de la couronne porte donc des accusations contre l’agresseur présumé. Et toi, la victime dans tout ça ? Tu es simplement considérée comme un témoin… de ta propre agression. Eh oui.

Donc en théorie, c’est possible que tout le procès se passe sans que tu sois impliqué, on t’invite seulement à témoigner devant le juge lorsque nécessaire. Heureusement, ce n’est pas comme ça que ça s’est passé pour moi. La procureure me tenait au courant des avancées, des étapes à venir, de l’angle d’approche qu’elle voulait prendre. Elle m’a expliqué toutes les étapes du procès, on a visité une salle d’audience ensemble, pour me préparer psychologiquement. Elle m’a expliqué où se trouverait mon agresseur dans la salle d’audience… des petits détails forts appréciés. Elle m’écrivait quelques jours avant chaque audience pour savoir si je voulais être présente, si j’avais des questions, si j’étais prête, etc.

Ce procès a été long, compliqué et plein de rebondissement. C’est pas des blagues, c’était parfois digne d’un soap américain. J’étais donc heureuse d’avoir une enquêtrice, une avocate et un représentant du CAVAC pour m’expliquer tout ce qui se passait.

La première étape a été l’enquête préliminaire. C’est très rare qu’il y ait une enquête préliminaire dans les dossiers d’agression sexuelle et je crois que cette pratique est appelée à disparaître. Ça sert à déterminer si la preuve est suffisante pour qu’il y ait un procès. C’est donc en quelque sorte un procès avant le procès. J’ai été appelée à témoigner pour une première fois devant un juge. J’avais décidé de le faire dans une salle séparée afin de ne pas être confrontée à l’agresseur. Mon témoignage était rediffusé en direct dans la salle d’audience. Ce qui m’a le plus stressé, c’était le contre-interrogatoire. Mais au final, ça s’est bien passé. J’étais accompagnée d’une employée du CAVAC. Dans le palais de justice, il y a une salle d’attente pour les témoins et elle est surveillée par un constable (policier). Finalement il est possible qu’un proche vous accompagne.

J’avais décidé d’être présente à chaque étape du procès, même si ma présence n’était pas requise. Et puisque mon travail m’amène à voyager beaucoup, j’ai parfois assisté par vidéo-conférence. Lorsqu’on doit manquer du travail pour aller au palais de justice, une petite compensation financière est prévue pour le déplacement, et les heures de travail manquées.

L’enquête préliminaire a été concluante, et le vrai procès a pu démarrer. Tout était donc un peu à refaire. Le témoignage, le contre témoignage. J’ai pu entendre la version des faits de l’agresseur. Je ne le cacherai pas, tout ça est très difficile. Il faut répéter, répéter, répéter son histoire et se faire confronter. Mais quitte à me répéter, je suis contente de l’avoir fait.

Lors du procès, j’ai décidé cette fois que j’étais prête à témoigner dans la salle d’audience, donc dans la même salle que l’agresseur. Ça faisait déjà 2 ans que l’agression avait eu lieu et j’avais cheminé. Je m’étais préparée mentalement. Par contre je n’étais pas prête à faire un face à face avec l’agresseur dans le corridor. C’est ce qui est arrivé. Je tiens à souligner que j’étais en sécurité car il y avait des constables à tous les 5 mètres, mais c’est un élément qui m’a pris au dépourvu. Peut-être que les nouveaux tribunaux spéciaux pour crime sexuel évitent ce genre de situation désormais ?
Petit élément rigolo. Je me souviens de sortir de la salle d’audience en même temps que mon agresseur. Un peu par réflexe, j’ai voulu tenir la porte à mon agresseur. Et en un éclair, j’ai eu un débat moral interne très intense sur les limites de la politesse. Bon, aujourd’hui j’en ris, mais sur le coup c’était pas drôle du tout.

Après deux ans de détention préventive, mon agresseur a été libéré. Le procès n’était pas terminé alors il n’était toujours pas reconnu coupable. L’enquêtrice m’a averti de la remise en liberté et une lettre est également arrivée par la poste pour m’informer de l’adresse de l’accusé et des restrictions dont il faisait preuve. Par exemple, il devait respecter un couvre-feu et ne pas s’approcher à plus de X distance des autres victimes présumées et moi-même.

Dans tout le processus judiciaire, l’identité des victimes est protégée. Donc mon nom ne pouvait pas sortir dans les médias bien que des journalistes étaient présents sur place. Toutefois, vers la fin du procès j’ai demandé à faire lever la clause de confidentialité car je voulais partager mon expérience comme je le fais présentement. Je voulais aussi participer à briser les tabous. C’est à cette époque que j’ai décidé de faire mon coming out auprès de mes amis et ma famille. Ce que je n’avais pas prévu c’est que les journalistes viendraient me voir à la seconde que la clause de non-diffusion de mon identité serait levée. Ils ont été respectueux et m’ont demandé la permission avant de me filmer. Mais ça a été un choc de voir mon nom apparaître dans les journaux et aux nouvelles. Moi qui voulais un coming out et briser les tabous, j’ai été servie.

La dernière étape à laquelle j’ai participé a été la lettre au juge. Cette étape n’est pas obligatoire, mais on m’a invité à parler de mon expérience et des séquelles vécues suite à l’agression. J’ai accepté l’offre car ça me semblait important de me présenter comme une personne avec des émotions, et non simplement comme un témoin neutre relatant froidement les faits de mon propre viol. Ça a bien terminé le procès pour moi.

Au final, l’agresseur a été reconnu coupable d’agression sexuelle et harcèlement sur 4 victimes. Il a écopé de 5 ans de prison. Dire qu’au départ je croyais que ce n’était pas une agression sexuelle et que c’était de ma faute si ça m’était arrivé. Finalement j’ai appris qu’il avait fait d’autres victimes. Combien sommes-nous en tout ? On ne le saura jamais. Mais je suis heureuse que le procès m’ait prouvé sa culpabilité, mon innocence et qu’il ait permis de protéger d’autres victimes potentielles.

Ce n’était pas dans la poche d’avance pour moi car le soir de l’agression, j’étais en état d’alcoolémie très avancé. J’avais également des trous de mémoire lors du viol. Il était donc difficile pour moi de témoigner. Mais au final je m’en suis tenue à dire ce dont je me souvenais. Et quand je ne m’en souvenais pas, je disais simplement que je ne m’en souvenais pas. Pas de suppositions, pas de je pense que, seulement ce que je sais. Et tout s’est bien passé.

….


Je relis et m’apprête à publier ce texte bien des années plus tard. Je l’avais complété mais n’avais pas le courage de le publier. Je crois que l’idée d’imaginer des gens que je connais lire ce texte un jour me faisait peur. Mais en me souvenant de ma motivation première, je trouve finalement le courage de publier ce texte. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit !


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